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Confidences de Julien Gerbi

Lors du meeting des WSR en France au circuit du Paul Ricard, Julien Gerbi nous a accordé un peu de son temps dans le garage Pons Racing pour répondre à quelques questions. Julien Gerbi a mis sa carrière de côté pour proposer ses services de coach à des pilotes.  

Comment as-tu découvert le sport auto ?

Julien Gerbi « Je pense que le premier contact que j’ai eu avec le monde du sport auto c’est en 1987 au GP de Monaco. Mes parents m’ont emmené aux paddocks, j’ai une photo où je suis en couche en train de regarder dans le baquet de Philippe Streiff. Ma famille était amie avec Roberto Moreno, j’ai donc pu suivre pas mal de courses avec lui et vivre des choses intéressantes à ses côtés ».

 

 

Tu as essayé différents types de monoplaces (F2, F3 Turque, F3 Britannique…) quelle est ta monoplace préférée ?

« En monoplace, la meilleure a été en AutoGP, l’ancienne A1GP, avec le moteur zytek V8, le même je crois que sur les monoplaces en WSR, beaucoup d’aérodynamisme et un freinage super impressionnant, les palettes au volant… La F2 était aussi très intéressante mais moins rapide. J’ai fait les tests en AutoGP avant de conduire la F2, donc ça m’a donné une impression plus lente avec la F2. Le step en AutoGP a été plus impressionnant. »

 

 

Tu as roulé dans quasiment le monde entier, USA, France, ou encore au EAU quel est ton circuit préféré ?

« Il me manque l’Asie ! Je n’ai jamais fait de course en France, sauf quelques tests, notamment à Lédenon et au Paul Ricard. Mais mon circuit préféré, je dirais Watkins Glen. C’est vraiment un circuit incroyable, la plupart des circuits aux  USA sont des circuits du niveau de Spa Francorchamps ou plus haut. Encore, à Spa, tu as des dégagements en asphalte, à Watkins Glen tu as des virages du même type mais si tu te loupes, c’est le rail. J’aime beaucoup Road Atlanta, c’est la même chose : tu as l’herbe mais après c’est le mur. Watking Glen c’est mon favori; c’est sur ce circuit où j’ai pris le plus de plaisir, Road Atlanta c’était pas mal aussi. »

Roberto Moreno (ancien pilote F1 et Indycar) a reconnu ton talent, tu as été élu en 2007 faisant partie des 100 espoirs du sport auto aux côtés de Sebastian Vettel ou encore Lewis Hamilton. Tu avais le soutien, mais tu peux dire que le manque de budget a freiné ta carrière ?

« Clairement ! Aujourd’hui en sport auto, avant de penser à une question de talent, de travail, on pense d’abord à une question de budget. C’est désolant à dire mais tu peux avoir des pilotes qui ne vont pas forcément travailler très dur, qui vont avoir une base de talent mais qui vont continuer à rouler, monter dans les catégories parce qu’ils ont tout simplement le budget. C’est aussi simple que ça. Aujourd’hui un pilote avec un peu d’expérience et de budget peut aller voir une équipe de WSR ou GP2 et pourra monter dans la voiture sans problème. Mais attention, les pilotes qui payent ne sont pas néfastes pour le sport auto, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Le problème est qu’on est arrivé à un point où les catégories coûtent tellement cher que tu ne peux plus le faire si tu n’as pas vraiment de gros soutien derrière. Il y a quelques années, peut être 10 ou 15 ans, une saison complète de F3 coutait 150 000€. Maintenant, avec la dernière voiture, les tests… c’est entre 350 000 et 500 000 € pour faire l’Euro Open. Et si tu veux faire la FIA F3, c’est encore plus cher. Donc le problème est que tu ne peux plus évoluer à partir d’un certain moment si tu n’as pas de gros soutiens derrière comme la famille, les contacts, le pays ou vraiment des grosses compagnies. A l’époque où je roulais, je réussissais à trouver des budgets pour faire un petit peu de F3, 2 saisons aux USA, la Formule Palmer. Après la Formule Palmer j’avais un choix possible pour évoluer vers un stade supplémentaire et il fallait trouver 500 000 – 600 000€ rapidement, chose impossible. »

Aujourd’hui, envisages-tu un retour à la compétition ?

« Si une opportunité se présente, pourquoi pas ! J’ai toujours cette idée dans un coin de ma tête. Les courses d’endurance m’intéressent beaucoup. Je travaille toujours un petit peu à côté de l’académie. J’essaye de me faire des contacts, de trouver des fonds, de créer des opportunités pour trouver des sponsors… »

 

 

Tu fais du coaching depuis 2011, tu as notamment coaché Artur Pic ou encore Facu Regalia qui est actuellement leader du championnat GP3. Qu’est-ce que tu apportes à ces pilotes, quels types de conseils ?

« Il y a plusieurs parties dans le coaching qui permettent aux pilotes de progresser.  Ce n’est pas simplement le fait de lui expliquer comment il doit piloter pour s’améliorer. C’est d’ailleurs quelque chose que je n’aime pas vraiment faire, parce que le pilote a son style de pilotage. Il peut l’améliorer et mon objectif est de l’aider à l’améliorer, l’aider à l’adapter un peu à la voiture et au circuit, mais si tu lui changes son style, il ne va pas aller bien loin. L’intérêt est de lui apporter une expérience, une vision externe. C’est également intéressant pour moi quand je travaille avec des pilotes parce que je vois plein de choses dont je ne me rendais pas compte quand j’étais pilote. Je porte attention à beaucoup plus de détails qu’à l’époque où je pilotais parce que je n’avais pas assez d’expérience et de recul, j’étais concentré sur la course, avec le stress… donc je n’avais pas cette relaxation qui te permet de voir de petits détails essentiels. C’est ce que j’essaye d’apporter aux pilotes : une vision externe beaucoup plus calme amplifiée par l’expérience que j’ai acquise durant ces années de compétition. »

 

Tu es français (né à Nice), tu roules sous les couleurs Franco-Algérienne mais tu vis en Espagne. Lesquels de ces 3 pays, es-tu le plus attaché ?

« Un petit peu des trois. Je suis né et j’ai grandi en France, j’aurai toujours une affection pour ce pays. La famille du coté de ma mère est algérienne donc j’ai toujours été dans l’environnement algérien. Et l’Espagne, C’est l’Espagne ! C’est le meilleur pays au monde pour vivre. Mais je n’ai pas forcément de préférence parmi les 3. »

 

Tu as l’esprit de compétition, tu es un pilote talentueux mais j’aimerais m’éloigner un peu de cet aspect sportif pour parler de ton coté grand cœur. En 2008, tu as créé un programme « Racing for Children » parle-nous en.

« Racing for Children est un programme que j’ai créé en 2008 parce que j’avais eu la grande chance, la seule fois durant ma carrière, d’avoir trouvé le budget nécessaire pour toute la saison. Il me restait encore des espaces sur la voiture, et j’avais décidé d’offrir les espaces publicitaires à des associations. Ces associations vendaient ces espaces à des sociétés et gardaient la somme pour elles. J’avais travaillé là-dessus pendant un an, malheureusement nous n’avons pas eu le succès escompté, mais nous avons pu aider quelques associations. Fin 2009, je n’ai pas eu la possibilité de poursuivre ma carrière donc je n’ai pas pu continuer à travailler là-dessus. Maintenant je travaille avec la Fondation Valencienne Isidora Pertusa (www.fundacionisidora.org), avec qui on a relancé le projet sous un concept un peu différent. On organise désormais des évènements liés au sport auto comme des courses de karting où on fait rouler des pilotes professionnels avec des amateurs. C’est sympa pour nous et pour les amateurs parce qu’ils peuvent se confronter aux professionnels, et au final on récolte des fonds destinés aux enfants. »

 

 

Que penses-tu de la domination de Vettel cette saison ?

« Ce n’est pas la première fois qu’on voit un pilote dominer en F1, à chaque fois ça a été dans un contexte où il y avait une voiture dominante. On n’a jamais vu un pilote dominer avec une voiture inferieure. Vettel fait du bon boulot, il n’a quasiment pas fait d’erreur cette année, il n’a jamais été à la traine. Il serait intéressant de voir Vettel dans une autre voiture, ou un autre pilote dans sa voiture. Malheureusement je crois qu’on ne le saura pas, et c’est une question qui se pose depuis quasiment 60 ans. J’espère seulement que cela ne va pas trop durer parce qu’on s’ennuie un peu pendant les GP ».

 

 

Alonso ? Ou Vettel ?

« J’habite en Espagne donc Alonso! »

 

Magnussen ou Vandoorne ?

 » C’est une question compliquée. Ils ont 2 styles très différents, Magnussen est un pilote impressionnant, il est à la limite partout et il ne fait pas d’erreurs. Vandoorne a un style un peu plus souple, un peu comme Da Costa. Tu n’as pas l’impression qu’il pousse fort mais pourtant, il est rapide ! Et il faut rappeler que c’est seulement sa première saison en 3.5. »

 

 

Ferrari ou Mercedes ?

« J’aime bien la déco de la Mercedes, mais je suis plus Ferrari. Ferrari c’est mythique, n’importe quelle personne qui aime le sport auto a une certaine fascination pour Ferrari. Que ce soit Ferrari en F1 ou en GT, voir le cheval cabré, ça fait quelque chose. »

 

 

Que penses-tu du film Rush ?

« C’est un film très intéressant malgré des petites erreurs. Ils ont un peu romancé la rivalité Hunt-Lauda mais le film est bien tourné, ça montre 2 personnalités très différentes. J’aurais aimé rouler à cette époque-là, c’était plus naturel. Dans le monde actuel du sport auto, si tu ne rentres pas dans le cadre, ça ne fonctionnera pas. On peut prendre l’exemple de Kimi Raikkonen, à l’époque il aurait été normal aux yeux de tout le monde, alors que maintenant c’est une exception parce qu’il est différent des autres. »